L’innovation sociale, modèle d’avenir coopératif et résilient

Économie sociale

L'innovation sociale, qu'est-ce que c'est ?

L'innovation sociale consiste à élaborer de nouvelles réponses à des besoins sociaux ou environnementaux nouveaux ou mal satisfaits par les politiques sociales ou les conditions actuelles du marché. Elle se base sur des méthodes participatives et coopératives entre différentes parties prenantes en mettant particulièrement l'accent sur l'expérience client/usager et sur des processus de création comme le design thinking.

Cette pratique concerne le plus souvent des innovations qui viennent répondre à des enjeux sociaux et environnementaux comme le vieillissement de la population, l'exclusion sociale, la petite enfance ou encore la protection de l'environnement.

Elle ne concerne pas seulement la création de nouveaux produits et de services, l'innovation sociale trouve aussi sa valeur ajoutée dans le fait d'amener à l'émergence de nouveaux modes d'organisation ou de nouveaux modèles économiques. Les AMAP, par exemple, modèle coopératif de vente directe pour l'alimentation, en sont un bon exemple.
En adaptant des processus de fabrication ou de distribution par exemple, l'innovation sociale peut aussi rendre accessible une innovation déjà existante à des personnes qui ont un besoin

L'innovation sociale consiste à élaborer de nouvelles réponses à des besoins sociaux ou environnementaux nouveaux -- ou mal satisfaits par les politiques sociales ou les conditions actuelles du marché. Elle se base sur des méthodes participatives et coopératives.

Un modèle qui mise sur la coopération

L'innovation sociale, c'est aussi un modèle résilient qui permet de faire face aux crises économiques ou sanitaires que nous vivons, que ce soit en appui des dispositifs existants ; pour inspirer de nouvelles politiques publiques ; ou encore pour moderniser les services publics en coconstruisant des réponses adaptées avec les citoyens.

À titre d'exemple, on peut ainsi citer le récent projet MakAir, mis en place pour répondre à l'urgence sanitaire liée à la crise du Covid-19. Initié à Nantes, ce projet regroupe une communauté qui a travaillé pendant un mois pour concevoir un respirateur artificiel fiable et abordable, notamment pour les pays en développement. Proposé pour 1 000€ (les modèles industriels coûtent entre 10 et 45 fois ce prix), cette prouesse a été permise en reprenant ce concept d'innovation sociale.

En tout, ce sont ainsi 250 "makers" bénévoles qui se sont investis dans le projet : ingénieurs, professionnels de santé, universitaires, entrepreneurs du numérique et de l'industrie. Des groupes comme Renault ou Parrot ont apporté leur aide, tout comme des collectivités locales et des organismes publics.

Financements, matières premières, locaux, compétences, médiatisation : ce décloisonnement entre différents secteurs, ce mélange de compétences et de savoirs ainsi que le partage des ressources -- qui font partie de l'ADN de l'innovation sociale -- ont favorisé la mise en place de ce projet en un temps record. De la même manière que, par exemple, l'entreprise Decathlon a travaillé avec un ensemble de bénévoles pour que ses masques de plongées puissent aider les professionnels de santé à lutter contre l'épidémie.

Le design thinking, pierre angulaire de l'innovation sociale ?

Cette manière de proposer des produits, services ou modèles va de pair avec la fin d'une vision de l'innovation centrée sur le couple chercheur/industriel et sur les longs processus de R&D conduits en vase clos loin des utilisateurs.

Elle émane aussi de la démocratisation du design thinking.

Popularisé aux États-Unis dans les années 1990 par les fondateurs de l'entreprise IDEO, le design thinking développe en effet une approche de l'innovation qui n'est plus centrée sur la technologie mais sur le client. En particulier, elle prend comme point de départ les besoins et comportements des consommateurs/usagers, et fonctionne de manière itérative pour s'en rapprocher le plus possible.

Pour cela, cette méthode mise fortement sur la coopération entre toutes les parties prenantes d'un projet afin de favoriser l'intelligence collective et la créativité de chacun. À l'image des méthodes utilisées pour la conception de services numériques, cette pratique met aussi l'accent sur les tests utilisateurs pour affiner la conception.

Qui sont les acteurs ?

En France, ce sont surtout les acteurs de l'Économie Sociale et Solidaire qui ont participé au développement de l'innovation sociale. En particulier les projets associatifs. Cependant, les startups et acteurs du numérique -- notamment dans la Tech For Good, commencent à s'approprier ce concept, tout comme les fondations d'entreprises et les collectivités locales. Mais de plus en plus d'entreprises dites "classiques" s'y intéressent petit à petit.

Comme acteurs emblématiques, on peut citer les exemples de l'entreprise Simplon, qui favorise l'insertion professionnelle via la formation aux métiers du numérique ; ou encore la start-up Microdon qui a développé le concept d'arrondi solidaire pour financer les associations et qui, avec ses clients, a également mis en place une plateforme d'engagement solidaire qui facilite le mécénat de compétences.

C'est aussi le cas de Fonto de vivo, une entreprise nantaise qui développe un purificateur d'eau pour les populations vulnérables et les zones d'urgences humanitaires. Un projet lancé en coopération avec une dizaine d'ONG qui ont participé à l'élaboration du concept et qui vont pratiquer des tests sur le terrain avant que l'entreprise puisse industrialiser son produit.

On peut encore citer N'go Shoes qui, cherchant à répondre aux besoins des communautés défavorisés au VietNam a eu l'idée de développer une gamme de baskets responsables.

Et puis c'est aussi l'occasion de mentionner la naissance d'Impact Track, puisque notre projet trouve son essence dans cette démarche faite de dialogue et de coopération entre les acteurs de la finance, les experts en mesure d'impact et les projets à impact autour d'une question simple : comment rendre la mesure d'impact accessible et utile aux porteurs de projets et investisseurs à impact ?

Principaux acteurs de l'innovation sociale : citoyens, pouvoirs publics et territoires, réseaux d'accompagnement, financeurs, associations et entrepreneurs de l'ESS

Freins et perspectives de l'innovation sociale

Aujourd'hui, ce concept d'innovation sociale trouve un écho particulier dans la société, notamment auprès des jeunes actifs, qui sont en quête de projets à impact. D'autant que de plus en plus de structures travaillent à démocratiser et promouvoir ce secteur, comme en témoigne l'émergence d'incubateurs dédiés aux projets à impact, qui mettent l'innovation sociale au cœur de leur approche.

Mais le principal frein au développement de ces modèles réside particulièrement dans l'accès aux financements. Aujourd'hui, ces nouvelles formes d'innovation sont relativement mal prises en compte dans les dispositifs de soutien et de financement de l'innovation.

La R&D en sciences humaines ou sociales, par exemple, ne se finance pas aussi bien que la R&D technologique. Il y a aussi la question du soutien à l'innovation sociale dans les politiques publiques ou encore le financement du risque.

Pour lever ces freins et convaincre plus facilement certains acteurs de financer l'innovation sociale, il faut travailler essentiellement à deux niveaux.

D'abord, faciliter la compréhension de ce qu'est un projet socialement innovant, c'est-à-dire le définir concrètement par des modèles ou référentiels commun. C'est par exemple ce que proposent l'Avise et le MOUVES avec leur grille de caractérisation d'un projet socialement innovant.

Enfin il faut travailler à mesurer et évaluer l'innovation sociale et ses résultats. Un axe essentiel autant pour les entrepreneurs qui ont besoin de diagnostiquer leurs projets pour repérer des pistes d'amélioration que pour les organismes cherchant à sélectionner des projets innovants pour les financer.

Cet article a été rédigé en partenariat avec Les Horizons, média d'intelligence écologique

Photo de couverture par Ameen Fahmy sur Unsplash