Les territoires ruraux sont multiples et possèdent des besoins, des savoirs et des valeurs spécifiques à leur contexte local. Alors qu’ils présentent de nombreux atouts (cadre de vie, prix de l’immobilier ou encore faible pollution), les territoires ruraux souffrent aujourd’hui de difficultés importantes en termes d’emploi, de mobilité, d’accès aux soins, … Le programme « Entreprendre la Ruralité», impulsé par la Fondation Entreprendre, AG2R LA MONDIALE, la Fondation RTE et Terre & Fils, vise à satisfaire de manière durable les enjeux existants en revitalisant des territoires ruraux fragilisés.
Afin de répondre à ce défi, le programme a sélectionné 4 structures d’accompagnement à la création ou à la reprise d’initiatives entrepreneuriales actives sur des territoires ruraux :
- Airelle (Nouvelle Aquitaine)
- ATIS (Nouvelle Aquitaine)
- La Chartreuse de Neuville (Hauts-de-France)
- Ronalpia (Auvergne-Rhône-Alpes)
Ces 4 structures lauréates ont pour mission de faire émerger des solutions d’accompagnement à l’entrepreneuriat ainsi que de nouvelles initiatives durables dans les territoires.
Mais quelle est la forme d’entrepreneuriat la plus adaptée et fructueuse pour les territoires ruraux ?
Une animation conjointe de l’accompagnement à la mesure d’impact social du programme Entreprendre la Ruralité par l’Agence Phare et Impact Track
Afin de répondre à cette question, accompagné par Les Petites Rivières, le collectif des financeurs et des lauréats a rédigé un manifeste qui offre une première interprétation commune du terme « entrepreneuriat de territoire ».
Outre le soutien financier aux structures lauréates du programme, le collectif de financeurs impulse une dynamique collective autour des démarches de R&D sociale et d’évaluation d’impact.
Dans ce cadre, la Fondation Entreprendre, qui structure le programme, a mandaté, afin d’animer ces démarches, l’Agence PHARE et Impact Track sur le volet de la mesure d’impact, et Les Petites Rivières sur le volet de la R&D sociale.
L’évaluation d’impact du programme Entreprendre la Ruralité s’inscrit dans une démarche d’impact collectif posée sur 5 bases :
Source : https://ssir.org/articles/entry/collective_impact
Ici l‘évaluation d’impact social a comme objectifs :
- D’identifier les changements générés par le programme et les lauréats, ainsi que de comprendre les facteurs qui peuvent faire varier les effets attendus.
- D’identifier des points d’amélioration du programme et des actions des lauréats, notamment en mettant en lumière ce qui fonctionne et en reconnaissant les freins rencontrés.
- De faire la preuve des résultats atteints.
Comment concilier la vision des financeurs et des lauréats pour évaluer l’impact social du programme ?
La chaîne d’impact du programme se pose sur 3 niveaux :
- L’impact du programme auprès des (structures d’accompagnement) lauréats.
- L’impact des lauréats (structures d’accompagnement) auprès des entrepreneurs.
- L’impact des entrepreneurs auprès des citoyens et collectivités.
L’impact social du programme Entreprendre la Ruralité correspond à l’impact des parcours d’accompagnement (lauréats) sur la capacitation des entrepreneurs de territoire et, in fine, l’impact des solutions développées par les entrepreneurs sur les citoyens et les territoires.
Nous verrons ci-dessous comment Entreprendre la Ruralité résout l’enjeu des multiples niveaux.
Construire un référentiel commun et outiller les lauréats pour évaluer l’impact social global du programme
Pour garantir le succès de l’évaluation d’impact social d’Entreprendre la Ruralité, la démarche de mesure d’impact définie s’articule autour des étapes suivantes :
- Construire une vision commune de l’impact entre financeurs et lauréats.
- Outiller et autonomiser les lauréats afin qu’ils puissent évaluer l’impact social direct de leurs activités auprès des entrepreneurs ainsi que l’impact indirect (des entrepreneurs dans les territoires).
- Évaluer l’impact social du programme Entreprendre la Ruralité.
Crédit photo : Fondation Entreprendre
1. Construire une vision commune de l’impact social entre financeurs et lauréats
Définir une vision commune du programme, entre lauréats et financeurs en termes d’impacts attendus et d’indicateurs permettant de les mesurer, est fondamental pour créer un programme collectif.
Pour mener à bien cette étape, l’Agence Phare a animé deux ateliers collaboratifs auprès des lauréats et financeurs, en proposant qu’entre les deux ateliers, les lauréats puissent adapter les indicateurs à la réalité de leur projet et de leur territoire.
Lors du premier atelier, les financeurs et les lauréats ont pu faire émerger une vision commune des publics concernés par l’impact et une première liste d’indicateurs concrets, robustes et fiables.
La difficulté est souvent double : d’une part, les financeurs et lauréats sont très différents et ne parlent pas tous le même langage, et d’autre part, les lauréats qui sont encore en phase de diagnostic, n’ont pas toujours lancé leurs activités.
Pour lever ces difficultés, un diagnostic préalable des enjeux, pratiques et indicateurs d’évaluation a permis à l’Agence Phare et Impact Track de construire une banque de 60 indicateurs que les participant(e)s ont pu ajuster.
Dans ce cadre, afin de trouver le bon équilibre entre l’intérêt des financeurs (tendance à préférer les indicateurs standardisés et donc agrégeables ) et des lauréats (tendance à préférer les indicateurs spécifiques à leurs activités), le référentiel d’évaluation comporte 3 types d’indicateurs :
- Des indicateurs clés obligatoires et non modifiables (= ils sont collectés de la même manière) : ils sont communs à tous les lauréats et peuvent donc être agrégés.
- Des indicateurs proposés et non modifiables : ils permettent de mesurer des effets communs à plusieurs lauréats ou projets tout en permettant une lecture agrégée des données.
- Des indicateurs libres : ils sont définis directement par les projets et ne sont ni communs ni agrégeables.
La mise en place d’une démarche collaborative a ainsi un double avantage : la concertation autour de la vision commune de l’impact visé et de son système d’évaluation, permettant d’équilibrer l’intérêt aux deux niveaux. Suite à la construction duréférentiel commun, la mise en place de celui-ci se fait notamment par sa déclinaison et son adaptation au niveau des lauréats.
2. Outiller et autonomiser les lauréats afin qu’ils puissent évaluer l’impact social direct et indirect de leurs activités
Les lauréats détiennent un rôle majeur dans l’évaluation de l’impact social. Il est donc primordial de les outiller et de les autonomiser dans cette démarche pour qu’ils puissent mesurer l’impact de leurs activités auprès des entrepreneurs.
Pour mener à bien cette étape, Impact Track a formé et outillé les lauréats à l’évaluation d’impact social. La vision commune de l’impact est déclinée et adaptée à l’échelle des 4 structures d’accompagnement lauréates.
Pour garantir le bon déroulé de la démarche et l’autonomie des équipes, chaque lauréat a défini une personne responsable de la mesure d’impact.
En déployant la démarche, les lauréats ont alors pu confronter le référentiel d’évaluation commun sur le terrain. Leurs retours apportent des apprentissages essentiels pour l’amélioration du référentiel commun. Un nouveau cycle de révision du référentiel commun est alors mené.
Toutes les actualisations du référentiel d’évaluation sont réalisées de manière centralisée grâce à la plateforme Impact Track afin d’assurer l’harmonisation entre les référentiels d’évaluation des lauréats du programme.
Une fois le référentiel stabilisé, la collecte des données quantitatives sera réalisée via la plateforme Impact Track.
La prochaine étape d’autonomisation des lauréats est donc de les former à l’analyse de ces données. Impact Track accompagnera alors les lauréats dans l’interprétation de leurs résultats (ce qui a marché, les points positifs, les axes d’amélioration ou actions à prévoir), la mise en place leur système de pilotage de l’impact et l’amélioration de leur référentiel d’évaluation lors d’un atelier.
3. Évaluer l’impact social global du programme Entreprendre la Ruralité
La mesure d’impact du programme Entreprendre la Ruralité repose sur l’articulation d’une approche qualitative et quantitative.
La plateforme Impact Track agrège et restitue les données quantitatives collectées en temps réel. La mesure de l’impact global et l’analyse des résultats du programme par les lauréats et financeurs sera donc grandement facilitée.
L’Agence Phare réalisera des entretiens qualitatifs avec les membres du collectif à deux intervalles de temps afin de contextualiser, interpréter et nuancer les tendances quantitatives.
Ces deux approches permettront de répondre aux questions clés de l’évaluation du programme : compréhension des impacts, identification de points d’amélioration, preuve de l’impact généré ,…
Les mots de Benoit Mounier, Directeur des programmes chez Fondation Entreprendre :
"L’évaluation d’impact est la clé de voute d’un programme d’actions relevant de l’innovation sociale. Le sujet est d’autant plus critique dans le cadre d’une démarche “collective impact” comme le programme Entreprendre la ruralité. Une telle démarche est avant tout un moyen de se mettre d’accord entre les parties prenantes sur l’intention de changement et de se mettre tous en chemin. Il subsiste un véritable défi de faire co-exister de la souplesse nécessaire à l’innovation sociale et l’émergence de socles communs pour porter un message collectif et cohérent."
Ce qu’il faut retenir:
Dans une démarche d’impact collectif telle que celle du programme Entreprendre la Ruralité, l’évaluation s’inscrit dans un cycle continu de révision et d’amélioration. Les 5 bases de l’impact collectif sont essentielles : vision claire et commune entre les acteurs, système d’évaluation partagé, collaboration et synergie entre les acteurs, communication soutenue et transparente ainsi qu’une coordination des actions collectives.
Pour garantir la réussite de l’évaluation du programme, il était indispensable que les acteurs clés (les lauréats) montent en compétence et deviennent autonomes dans le suivi et la gestion de leur impact social. L’Agence Phare et Impact Track ont proposé un protocole en ce sens.
Les premières étapes de construction et de déploiement du référentiel commun avec les financeurs et lauréats a été très riche d’enseignements. Nous vous partagerons les enseignements de la suite de cette expérimentation inédite dans un prochain article.