La mesure d'impact social et environnemental est l'une des tendances de ces prochaines années pour le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS) dont elle illustre la professionnalisation. Outil plébiscité pour une communication transparente, la mesure d'impact peut surtout être un levier puissant d'amélioration continue et de pilotage selon l'approche choisie. Auto-évaluation**,** évaluation en autonomie ou audit réalisé par des tiers, quelle méthode choisir pour mesurer l'impact des projets soutenus dans le cadre d'un mécénat ?
La mesure d'impact social et environnemental est un mouvement anglo-saxon qui est arrivé en France il y a environ dix ans et qui s'inscrit parmi les grandes tendances à suivre ces prochaines années. Au sein des entreprises de l'ESS notamment : en effet plus de 50% d'entre elles ont mis en place une démarche de mesure d'impact en 2018 -- un chiffre supérieur de 10 points à l'année 2017. [1]
Une tendance qui illustre aussi la structuration du secteur ces dernières années, comme le précisait récemment Elise Leclerc, Directrice du Labo Evaluation et Mesure d'Impact de l'ESSEC, expliquant que "la professionnalisation du secteur de l'ESS a entraîné une forte croissance des demandes de mesures d'impact de la part des porteurs de projets mais aussi des financeurs" (CareNews, 10 avril 2020).
D'ailleurs, les programmes d'aide à la mise en place de démarche de mesure d'impact se développent, à l'image du programme Size Up mis en place par les incubateurs Antropia-Essec et Ronalpia, ou encore le programme Cap Impact de l'Avise.
3 objectifs principaux sont alors recherchés par les mécènes : aider les projets à améliorer leurs activités et leur pertinence, rendre des comptes à leurs partenaires et communiquer l'impact concret des projets auprès du grand public.
Quelle méthode d'évaluation et de mesure d'impact social choisir en fonction de ses objectifs ?
La démarche de mesure d'impact reste pourtant perçue par de nombreux acteurs de l'innovation sociale comme une contrainte complexe et parfois coûteuse. Si le coût recommandé de la mesure d'impact d'un projet se situe entre 2% et 10% de son budget, les audits peuvent monter jusqu'à 30% de l'enveloppe de financements dans certains cas !
Mais ces freins découlent principalement du choix de l'approche de mesure d'impact et de la manière de la réaliser.
Des cabinets de conseil ou d'audit, à l'instar de KPMG ou (Im)prove, peuvent mener des études d'impact pour le compte des organisations sociales. La démarche est alors généralement entièrement externalisée et réalisée a posteriori d'une phase clé du projet. Ces mesures d'impact se rapprochent donc des méthodologies d'audit, dont l'objectif est de rendre des comptes à des partenaires financiers mais aussi de valider les orientations stratégiques. Leur coût est aussi plus élevé : en moyenne, il faut prévoir environ 20 000 euros pour ces évaluations.
Afin de répondre aux besoins de pilotage des entreprises sociales, les évaluations menées en interne peuvent s'avérer plus pertinentes et adaptées.
L'auto-évaluation d'impact social, une première démarche d'apprentissage intéressante
En général, l'innovateur social qui cherche à mesurer son impact va s'orienter dans un premier temps vers une démarche d'auto-évaluation avec des outils maison, « à mi-chemin entre la validation au ressenti et un bricolage nécessaire pour fournir des données de reporting à leurs financeurs ».[2]
L'auto-évaluation est une démarche de plus en plus promue dans l'enseignement car elle permet aux élèves d'avoir une meilleure conscience ou compréhension d'eux-mêmes en tant qu'apprenant, ce qui leur permettra ainsi de développer leur plein potentiel. [3]
De même, l'auto-évaluation est une approche de mesure d'impact motivante pour les porteurs de projets car elle leur apporte une meilleure conscience de la pertinence et de la performance de leurs activités.
Cependant, si cette méthode reste un point de départ intéressant, les organisations qui s'engagent dans l'auto-évaluation s'exposent en parallèle à un certain nombre de biais, en particulier le fait d'être à la fois l'unique juge et partie. De plus les approches « bricolées » ne respectant que rarement les méthodologies normées de mesure d'impact, leur utilisation dans des communications externes exposent le sujet à un risque d'impact washing. C'est pourquoi cette approche reste centrée sur une utilisation en interne.
Pour aller plus loin, il existe alors une autre approche : l'évaluation en autonomie.
L'évaluation d'impact social en autonomie : plus de gestion et plus de transparence.
Cette méthode d'évaluation innovante, combine l'avantage de l'auto-évaluation -- la prise de conscience par les participants de leurs points d'amélioration -- avec la rigueur méthodologique exigée pour la communication auprès des financeurs qui recherchent des données crédibles.
Quels sont les points clés de cette approche ?
Les résultats et impacts ne sont pas évalués uniquement en interne, mais par les personnes touchées, qui sont les mieux placées pour leur attribuer une valeur. Les bénéficiaires, clients, partenaires, équipes et bénévoles etc... sont ainsi consultés, pour une représentation au plus proche de la réalité.
L'évaluation est dite en autonomie car l'organisation est ici capable de mener et coordonner cette démarche sans expertise, grâce à l'aide d'outil conçus dans ce but comme Impact Track.
Le recours à un outil standardisé va faciliter la démarche, par exemple grâce à l'accès à des référentiels adaptés, et ainsi garantir sa fiabilité méthodologique ou encore la sécurité et la transparence de la donnée.
Les entrepreneurs sociaux peuvent ainsi internaliser les compétences en mesure d'impact et gagner en autonomie sur le pilotage et l'amélioration continue de leur activité.
Faciliter la prise en main de la mesure d'impact pour les structures qui veulent s'engager dans cette voie et se professionnaliser, est d'ailleurs l'une des 21 propositions du rapport Schatzman pour favoriser l'innovation sociale. C'est aussi l'objectif d'Impact Track.
Alors que le besoin de transparence et de traçabilité croît dans l'opinion publique jusqu'à bousculer certains secteurs d'activité comme l'alimentaire ou le textile via les applications comme Yuka, il apparait nécessaire de développer une culture commune de l'évaluation de l'impact entre porteurs d'innovations sociales, financeurs et parties prenantes pour maximiser l'impact positif. Celle-ci passera notamment par l'accessibilité des démarches de mesure d'impact et la capacité des porteurs de projets à s'en emparer.
[1] Baromètre de la mesure d'impact social, KPMG, 2018
[2] « Expérience de l'évaluation d'impact social : Pratiques et représentations dans les structures d'utilité sociale », Agence Phare pour l'Avise, 2017
[3] Ministère de l'Éducation de l'Ontario, 2002, 2013
Cet article a été rédigé en partenariat avec Les Horizons, média d'intelligence écologique\
Photo de couverture par Charles Deluvio sur Unsplash
crédit pour les 2 graphiques : L'évaluation partenariale en pratique, Le Rameau, 2019